Il convient dans un premier temps de définir, au moins succinctement, ce que recouvre la question de la souffrance au travail.
Les situations individuelles sont souvent mises en avant. Un collègue souffre d'un épuisement professionnel, un autre est en arrêt de travail depuis une altercation avec un chef de service. Plus largement, des services peuvent souffrir de maux collectifs, la cohésion est rompue et l'absentéisme est important. Parfois même, le mal-être au travail s'exprime de manière plus subtile, par exemple par l'augmentation des accidents du travail ou une ambiance de travail moins bonne. Ces liens sont parfois difficiles à établir.
Parfois encore, le malaise est généralisé, une entreprise ou une institution est traversée par des conflits qui minent les relations inter-individuelles.
Comme pour un sujet, une organisation peut exprimer les symptômes de sa souffrance sous de multiples formes.
Face à cette souffrance au travail, il convient de réagir et l'entreprise se trouve face à deux possibilités :
1- L'intervention individuelle : l'accompagnement individuel peut prendre plusieurs formes. La première aura pour objectif l'adaptation du sujet "fragile". Il serait alors question de permettre au salarié en souffrance de s'adapter aux difficultés dans le travail sous le modèle de l'adaptation au stress. Il s'agit d'un modèle dominant dans les interventions proposées aujourd'hui.
Le deuxième type d'intervention est souvent extérieur et amène le salarié en souffrance à rencontrer des spécialistes. En premier lieu c'est le médecin du travail qui est sollicité puis un psychologue qui va travailler avec le sujet sur son activité et la souffrance qui y est liée.
Le réseau Souffrance et Travail oeuvre dans ce sens et rencontre des individus dont les pathologies peuvent être extrêmement lourdes.
L'avantage de cette prise en charge individuelle peut éviter des situations très graves menant à des décompensations psychiques lourdes.
Pour autant dans le cadre de l'adaptation ou de la réparation, le retour au travail est parfois difficile dans la mesure où l'organisation du travail ne s'est pas posée les questions des "conditions" de la souffrance. Le sujet est parfois sorti de l'entreprise par l'intermédiaire d'un arrêt de travail plus ou moins long et la réparation demandée peut consister en une procédure judiciaire.
2- L'intervention collective : Il s'agit cette fois de questionner la souffrance au travail dans les collectifs de travail. Des interventions de types ANACT (Association Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail), ou des approches en clinique de l'activité ou en psychodynamique, permettent de mettre en discussion le travail.
Ces démarches vont travailler au coeur de l'organisation et identifier les situations de travail qui font problèmes. L'objectif transversal est de renforcer le travail collaboratif et la santé des collectifs. Il s'agit également de soigner le travail et de renforcer le pouvoir d'agir des collaborateurs.
L'avantage de cette prise en charge collective de la souffrance au travail est qu'elle s'intéresse au fonctionnement du travail, à sa santé et à son développement. Il s'agit par cette voie de renforcer les ressources psychosociales de l'organisation (selon l'expression de Yves Clot qui préfèrent aux risques psychosociaux les ressources psychosociales). Le travail, lorsqu'il est soigné est une ressource de la santé.
Pour autant, un collectif est une somme de sujets dont le fonctionnement s'envisage par la dynamique des groupes. Un collectif n'est pas la simple association de sujets, c'est évident. En revanche la dynamique groupale nécessite de s'intéresser à ceux qui composent ce groupe.
Pour conclure, vous l'aurez compris, une intervention en souffrance au travail nécessite d'aborder la situation sur un regard clinique systémique, qui tienne compte du sujet en situation et du collectif de travail.
Ces interventions plus lourdes à mener ne doivent pas de plus, faire l'économie de l'accompagnement des managers qui permettront au final d'ancrer les changements. Les collectifs de direction ou de manager doivent aussi se poser la question de leurs pratiques et se confronter au travail réel.
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